Ne rien faire
Peut-être devrais-je juste essayer de jouer, m’amuser, prendre du bon temps, sans culpabilité. Laisser tomber toutes les obligations humanitaires et perfectionnistes que je me crée depuis des années pour avoir bonne conscience, et simplement être dans la vue, dans la présence, dans l’état. Ouvrir mon cœur à la beauté, à la vie, aux autres, où que je sois et quoi que je fasse. Pour cela, le golf n’est pas pire qu’autre chose. Surtout essayer de moins penser, d’être plus dans le présent ; le vrai détachement est le détachement des pensées, du passé et du futur, des espoirs et des craintes.
Hier soir, je ressentais une certaine tristesse, un petit spleen face au vide, à la solitude que je retrouve ici ; je la cherchais pourtant, me réjouissais de la retrouver. Aussi j’ai téléphoné à Annabel, que je verrai ce soir, et je pense beaucoup à Ariella ; tout en me disant que je suis bien, seul et libre. Même si je manque un peu de tendresse et ressens le besoin de communiquer, de partager, je regretterais vite ma tranquillité. J’ai lu le Mirror, c’est bien : les enseignements de Namkhai Norbu* sont simples et directs. De nouveau, j’ai sombré dans la lecture pour échapper à moi-même, au dilemme de savoir que faire de mon temps, de ma vie…
Rien faire, le wu wei*, n’est pas facile. Il est plus facile de trouver des choses à faire, j’en ai de longues listes qui attendent ; et certaines, je sais, me feraient du bien, comme la peinture, le Reiki et les soins énergétiques. Beaucoup sont simplement des bouche-trous ou des bouche-vide, des choses qu’il faut faire, mais qui n’apportent pas de grande satisfaction, sinon la satisfaction de les avoir faites, de s’en être débarrassé jusqu’à leur prochaine apparition ; ou qui remplissent un simple besoin matériel, comme des achats, de choses dont je pourrais aussi me passer. Le plus dur est de ne vraiment rien faire, même pas méditer. Pourtant je devrais essayer, même si ce n’est qu’une demi-heure ou une heure par jour, pour voir comment je m’y prends, et ce que je ressens. Juste être là, mais être présent, pas distrait par des projets ou des pensées, ni assoupi ou affalé sur mon sofa dans une demi-torpeur. Sans non plus écouter de la musique ou regarder quelque chose, juste être là, dans une post-méditation : ouvert, alerte, disponible, à l’écoute de l’univers, et de moi-même… et voir ce qui se passe, ce que je perçois, quels sont les messages, qu’est-ce qui se canalise…
* Norbu (Namkhai) (1938-2018) : maître tibétain du dzogchen.
* Wu wei (chinois) : littér. ne pas faire, non-action. Le wu wei est une philosophie de vie prônée par les taoïstes, qui consiste à s’abstenir de toute intention d’accomplir quoi que ce soit. Le pratiquant du wu wei se contente de suivre le flux de la vie en répondant spontanément aux besoins et aux demandes qui se présentent.
11 octobre 2000, Chiang Mai